Brittany Ferries est un armateur crée en 1972 qui exploite 13 navires sur des lignes maritimes entre la France, la Grande-Bretagne, les Îles Anglo-Normandes, l’Irlande et l’Espagne.
Le siège de la compagnie est situé à Roscoff (France). Son conseil de surveillance est présidé par Jean-Marc Roué depuis la mort d’Alexis Gourvennec en 2007, avec Jean-François Jacob, président de la SICA pour vice-président.
Le directoire de la compagnie est présidé par Christophe Mathieu depuis avril 2016, date à laquelle il prit la succession de Martine Jourden. Il est secondé par Corinne Vintner en charge du juridique et des ressources humaines ; alors que Frédéric Pouget est à la direction du pôle armement.
Des revendications léonardes… à la création de la BAI
À la fin des années 1960 – peu de temps après les révoltes de mai 1968, les organisations paysannes du Léon s’engagent dans un combat défendre leurs exploitations et leurs emplois. En effet, les agriculteurs ne parvenaient pas à écouler leurs productions à un prix excédant le prix de revient. La Société des Intérêts Collectifs Agricoles (SICA) propose alors au gouvernement la création d’un port en eau profonde à Roscoff en échange de « la paix sociale dans le Finistère pendant 5 ans » selon les mots d’Alexis Gourvennec, son président.
La création de ce port devait élargir au Royaume-Uni et à l’Irlande, entrés en 1973 dans le marché commun européen, les débouchés accessibles aux productions agricoles du Léon. Cependant, la création du port devait être accompagnée par la création d’une liaison maritime régulière à même de transporter les marchandises.
Faute d’intérêt exprimé par un armateur existant, le capitaine Jean Hénaff, qui cherchait à employer les marins laissés sans-emploi par la décolonisation, propose la création d’un nouvel armement pour opérer une liaison nouvelle entre Roscoff et Plymouth. Accompagné du Conseil général du Finistère (représenté par André Colin) et de la SICA, il fonde au printemps 1972 la société Bretagne Angleterre Irlande S.A.. Dotée d’un capital de 15 000 FF, son siège social est implanté dans la rue St-Mathieu à Quimper.
Les premiers pas de la BAI
L’ouverture de Roscoff – Plymouth
Une fois l’armement créé, Jean Hénaff s’attelle à trouver un bateau pour lancer la ligne Roscoff – Plymouth dès janvier 1973. Il trouve à Vigo (Espagne) un ancien navire de la marine israélienne, pouvant être facilement reconverti en navire roulier. L’opération devait coûter 15 millions de francs. Alexis Gourvennec convainc les membres de la SICA d’engager un tiers de la somme dans le projet, le reste du financement étant apporté par les banques.
Une fois converti pour sa nouvelle affectation, le Kerisnel réalise son voyage d’essai le 20 décembre 1972. Son nom est celui du marché aux légumes de Saint-Paul de Léon, affirmant sa vocation au service du transport de marché. Le 2 janvier 1973, au lendemain de l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté Économique Européenne, Kerisnel appareille de Roscoff sous les regards d’une centaine de personne et le son du bagad de Lann Bihoué, avec trois camions et une voiture à bord. Progressivement, le service se fait connaître et à la fin de l’année 1973, 6000 camions furent transportés en un an.
En parallèle de la mise en service du Kerisnel, l’armement commande aux chantiers de la Rochelle un navire Ropax, capable d’accueillir 250 passagers. Le Penn Ar Bed assure son voyage inaugural le 24 janvier 1974. Le Kerisnel est alors revendu à une nouvelle société fondée par Jean Hénaff, pour assurer une liaison entre Saint-Nazaire et Vigo. En 1974, la BAI transporte 83,000 passagers et 8,000 véhicules ; parmi lesquels se trouve la caravane du tour de France.
Le développement du trans-manche…
Prenant acte du succès de sa première ligne pour le transport de voyageur, le jeune armement breton adopte une marque commerciale pour mieux se faire connaître de la clientèle britannique. Brittany Ferries est né. Pour l’année 1975, l’armement affrète le Prince de Bretagne afin de doubler la capacité offerte sur Roscoff – Plymouth.
Cependant, si le port de Roscoff occupe un emplacement stratégique pour l’export des légumes produits dans le Léon, il est excentré par rapport au reste du territoire français. Brittany Ferries noue alors un partenariat avec la CCI de Saint-Malo pour créer une nouvelle ligne vers la Grande-Bretagne depuis la cité corsaire. Cependant, Brittany Ferries est en concurrence avec l’armateur allemand TT Line qui projetait d’ouvrir une ligne Saint-Malo – Southampton avec le Mary Poppins.
L’ouverture de la ligne de Saint-Malo revêtant un caractère vital pour la Brittany Ferries Alexis Gourvennec et les actionnaires de la SICA bloquent l’entrée du port de Saint-Malo pendant trois jours, à l’été 1974, pour forcer TT Line à renoncer à son projet.
« Venant d’une entreprise suisse très respectable, je ne m’attendais pas du tout à faire de l’occupation portuaire. On a bloqué le port, il n’y avait pas que les paysans, il y avait aussi les marins. On a fait une vraie guerre maritime. La méthode Gourvennec, je m’y suis bien adapté – j’avais fait les commandos dans le temps. Il y a des moments où la fin justifie les moyens, il ne faut pas se tromper : c’était vital. On serait morts si on n’avait pas été à Saint-Malo » – Christian Michielini, alors nouveau Directeur Général de Brittany Ferries.
Après un service embryonnaire vers Plymouth assuré par Penn Ar Bed, la ligne Saint-Malo – Portsmouth est inaugurée en juin 1976 avec un nouveau navire, Armorique. Cependant, l’ouverture de cette ligne est perturbée par deux échouages dans la rade de Saint-Malo et trois défaillances de moteur, qui forcent Brittany Ferries à affréter d’autres navires.
Fort du succès du trans-manche, Brittany Ferries met en service Cornouailles sur la ligne de Roscoff. Cette unité neuve est directement inspirée de la conception du Prince de Bretagne. En 1978, la flotte est complétée par l’affrètement du Prince of Brittany, pour compenser le transfert d’Armorique sur de nouvelles liaisons.
…en attendant l’ouverture vers l’Irlande et l’Espagne
Dès ses origines, Brittany Ferries projetait d’étendre ses services maritimes vers l’Irlande. C’est chose faîte le 17 mars 1978, lorsque Armorique appareille pour la première fois de Roscoff à destination du port de Tivoli, à Cork. À compter du 27 mai, cette traversée devient hebdomadaire. Victime de son succès, elle est renforcée en 1980 par Breizh Izel qui assure une traversée réservée au fret.
La même année, Brittany Ferries ouvre une liaison Plymouth – Santander sous l’impulsion de l’un de ses directeurs d’exploitation, Paul Burns. Le départ de Plymouth permet de proposer une traversée en 24 heures, alors que les liaisons existantes au départ de Southampton mettent 37 heures. Sous les ordres du commandant Francis Gervin, Armorique inaugure cette nouvelle ligne le 17 avril 1978. Depuis ce jour, la tournée des traversées Roscoff – Cork et Plymouth – Santander a toujours constitué le programme du navire amiral de la compagnie.
« Certains ont qualifié l’entreprise de pari stupide monté par une bande d’abrutis. Je pense que les chiffres que nous sommes en train de démontrer prouvent le contraire. » – Christian Michielini
En complément de son activité d’armateur, Brittany Ferries développe une activité de tour opérateur pour offrir des séjours clé en main à une clientèle britannique désireuse de séjourner en France et en Espagne. Dès 1980, Brittany Ferries est devenu acteur majeur du tourisme dans l’Ouest de la France.
Victime de son succès, Armorique est remplacé dès 1982 sur la tournée Roscoff – Cork / Plymouth – Santander par un navire plus capacitaire, Quiberon. Il retourne alors sur la ligne de Saint-Malo.
Un développement appuyé par les collectivités
Malgré ses inclinaisons libérales, Alexis Gourvennec est conscient que le développement de sa compagnie ne pourrait se passer du soutien des collectivités territoriales. Il cherche dès lors à les convaincre des retombées économiques dont bénéficie leur territoire. En 1982, il convainc la région Bretagne, les quatre départements bretons et le Crédit Agricole (dont Alexis Gourvennec était aussi le président de la caisse bretonne) de fonder une société d’économie mixte chargée d’acquérir les futurs navires de la compagnie, la Société Anonyme Bretonne d’Économie Mixte d’Équipement Naval (SABEMEN).
En 1988, la SABEMEN devient le propriétaire de Quiberon – détenu en propre par Brittany Ferries depuis 1984. Elle acquiert également Duchesse Anne, dont la capacité de 1500 passagers et 337 voitures devait permettre de répondre au succès croissant de la ligne reliant Saint-Malo à Portsmouth.
L’arrivée en Normandie
En 1984, Brittany Ferries se joint au jersiais Huelin Renouf et à la société MMD Shipping pour concurrencer Sealink et Commodore sur les liaisons vers les îles Anglo-normandes depuis Portsmouth et Weymouth. La nouvelle compagnie, Channel Islands Ferries débute ses services en mars 1985 avec Beauport, qui n’est autre que l’ancien Benodet de Brittany Ferries. Cependant, le choix de fusionner ses activités de Portsmouth et Weymouth vers le port de Poole la fait péricliter et la compagnie est rachetée par Commodore Shipping en 1994, qui obtient un monopole sur le trafic des îles Anglo-normandes.
En 1985, Brittany Ferries rachète la société Truckline qui assurait des rotations entre Cherbourg-Octeville et Poole avec deux navires rouliers identiques, Coutances et Purbeck. Le service est renforcé en 1986 par l’affectation de Cornouailles, alors que Coutances et Purbeck étaient allongés de près de 16 mètres afin d’accroître leur capacité.
En octobre 1985, Brittany Ferries acquiert Duc de Normandie à l’armateur SMZ et le fait rénover à Rotterdam. Ce nouveau navire est adapté pour desservir une nouvelle ligne au départ de Ouistreham, nouvellement doté d’un terminal ferry. En attendant l’arrivée de Duc de Normandie, le 5 juin 1986, la ligne est inaugurée par Cornouailles. Le succès est immédiat et dès 1988, deux navires sont affrétés pour renforcer le service assuré par Duc de Normandie. En 1989, Brittany Ferries les remplace par Normandie Shipper et Reine Mathilde – qui n’est autre que l’ancien Prince of Brittany – rejoignent ce qui est devenue la première ligne de la compagnie.
15 ans après sa fondation, Brittany Ferries est devenu un acteur majeur du transport maritime trans-manche. Initialement constituée pour assurer le transport des légumes de la pointe bretonne vers le Royaume-Uni, l’armement a rapidement saisi des opportunités pour développer le transport de voyageurs. Cependant, alors que sa flotte est constituée de petites unités pour la plupart achetées d’occasion, la compagnie doit désormais faire changer sa flotte d’échelle.
La constitution d’une flotte de ferries croisière
La naissance d’une légende
Quatre années après sa mise en service, la capacité du Quiberon est déjà insuffisante au regard du succès des lignes Roscoff – Cork et Plymouth – Santander. De plus, le confort de ses aménagements intérieurs était insatisfaisant pour des traversées au long cours. Brittany Ferries étudie alors son allongement et sa modernisation, afin d’accroître sa capacité de 1100 passagers et 252 voitures.
Cependant, les progrès dans l’hydrodynamisme et la motorisation des navires permettent d’envisager la conception d’un navire neuf, aux coûts d’exploitation similaires à Quiberon, mais avec une capacité deux fois supérieure et un niveau de confort plus élevé.
En juin 1987, la SABEMEN – représentée par Alexis Gourvennec au titre de Brittany Ferries et René Couanau au titre du Conseil régional de Bretagne – signent la commande d’un nouveau navire aux Chantiers de l’Atlantique. D’une longueur de 153 m, le nouveau navire serait deux fois plus imposant que son prédécesseur. Pour décorer le nouveau navire, Brittany Ferries missionne l’artiste écossais Alexander Goodie. Il réalise prêt de 300 peintures, statues et bas-reliefs, inspirés de scènes de la vie rurale bretonne du XIXème siècle.
Quelques années avant l’ouverture du Tunnel sous la Manche, Brittany Ferries repositionne sa stratégie sur les loisirs – les Britanniques étant friands des destinations françaises et espagnoles. Ce nouveau navire doit ainsi conforter sa stratégie et faire de la traversée maritime une séquence des vacances. Son importance est marquée par le choix de son nom : Bretagne, qui est aussi le nom de la région dont est originaire la compagnie.
Dès sa mise en service, le 16 juillet 1989, Bretagne surclasse le reste de la flotte en terme de confort et de vitesse. Il contribue au succès croissant des lignes Roscoff – Cork et Plymouth – Santander. Cependant, sa capacité devint rapidement insuffisante et dès janvier 1993, Brittany Ferries acquiert et fait transformer le Nils Horlgersson. Renommé Val de Loire, ce navire remplace Bretagne sur Roscoff – Cork et Plymouth – Santander le 9 juin. Bretagne est alors transféré sur St-Malo – Portsmouth, qui subissait la concurrence de la ligne Ouistreham – Portsmouth et avait besoin d’un nouvel élan.
Le renouvellement des lignes normandes
Au moment où Bretagne entre en service, Brittany Ferries commande autres deux navires destinés à la modernisation des lignes Caen – Portsmouth et Cherbourg – Poole. Au même titre que Bretagne, ces deux navires doivent illustrer la montée en gamme de la compagnie.
À l’origine prévus pour être des sisters-ships, des problèmes de financement forcent Brittany Ferries à réduire la voilure de son programme. Alors la construction de Normandie, destiné à la ligne de Caen, a débuté ; Brittany Ferries conçoit un autre navire, plus petit, pour la ligne de Cherbourg : Barfleur.
Faute de disponibilités aux Chantiers de l’Atlantique, ces deux navires sont construits en Finlande, chez Aker Yards. Second commandé, Barfleur est le premier à être mis en service, en avril 1992. Il est suivi par Normandie qui débute son service le 18 mai.
Les difficultés de la fin des années 1990
La mise en service de cinq navires entre 1989 et 1993 permet la création de nouvelles lignes saisonnières au départ de St-Malo, vers Poole et Cork. Armorique y est affecté à l’arrivée de Duchesse Anne, avant de quitter la flotte en 1993 lorsque Bretagne reprend Saint-Malo – Portsmouth.
De même, après avoir exploité pendant 14 ans la ligne Cherbourg – Poole en tandem avec Coutances, Purbeck quitte la flotte en 1992 et est mis en affrètement. Restant la propriété de Brittany Ferries, Purbeck réintégrera quelques mois la flotte de Brittany Ferries en 2002, afin de compenser la livraison retardée de Mont-St-Michel.
Cependant, l’ouverture du Tunnel sous la Manche engendre une réduction de la fréquentation des lignes de Brittany Ferries. Les lignes saisonnières St-Malo – Cork et St-Malo – Poole sont fermées en 1996 et Duchesse Anne revendu.
Le 17 juillet 1992, la salle des machines de Quiberon prend feu. L’équipage parvient à éteindre l’incendie avant l’arrivée des secours terrestres, qui escorteront le navire à quai. S’il ne fut pas nécessaire d’abandonner le navire, un membre de l’équipage perd la vie dans cet accident.
La modernisation des années 2000
Le renouvellement de la flotte
En 1999, faisant le constat du succès de l’introduction de Normandie sur le service Caen – Portsmouth, Brittany Ferries commande aux chantiers néerlandais Van der Giessen de Noord un nouveau navire pour remplacer Duc de Normandie, qui lui-même irait remplacer le vieillissant Quiberon sur Roscoff – Plymouth.
La conception de ce nouveau navire est grandement inspirée de celle de Normandie, l’idée étant d’homogénéiser le service avec deux navires proches. Il reprend ainsi la possibilité de charger le garage simultanément sur deux ponts, avec des rampes escamotables pour moduler sa capacité. Livré avec près de six mois de retard, Mont-St-Michel consolidera le succès de la ligne de Caen.
Par ailleurs, alors que la capacité de Val de Loire s’avère à son tour insuffisante pour le succès des lignes Roscoff – Cork et de Plymouth – Santander, Brittany Ferries décide de construire un nouveau navire amiral. 15 ans après la commande de Bretagne, ce nouveau navire doit impressionner par ses dimensions (184 mètres de long et 31 de large), son confort et sa puissance (47 000 kW, lui permettant d’atteindre la vitesse de 28 nœuds). Un temps nommé Bretagne 2, il est baptisé Pont-Aven en amont de sa mise en service, le 24 mars 2004.
La mise en service de Pont-Aven amène le transfert de Val de Loire vers la ligne de Saint-Malo – Portsmouth en tandem avec Bretagne.
La bataille de Normandie
Alors que Brittany Ferries développe ses lignes Cherbourg – Poole et Caen – Portsmouth, P&O Ferries propose ses services au départ de Cherbourg et du Havre vers Portsmouth, avec des navires conçus pour des trajets courts. Leur niveau de confort est ainsi éloigné de celui offert par Barfleur et Normandie.
En 1994, P&O Ferries introduit sur la ligne du Havre les Pride of Le Havre et Pride of Portsmouth. Ces deux sister-ship de Val de Loire lui permettent de rivaliser avec la ligne Caen – Portsmouth de Brittany Ferries. En 1998, P&O Ferries modernise la ligne de Cherbourg avec l’introduction du navire à grande vitesse Superstar Express, rapidement remplacé par le plus capacitaire Portsmouth Express. Pour répondre à cette concurrence nouvelle, Brittany Ferries engage en 2001 un partenariat avec Condor Ferries pour l’exploitation d’un service à grande vitesse entre Cherbourg et Poole avec Condor Vitesse.
À l’été 2004, Brittany Ferries tire profit de l’arrivée de Pont-Aven pour développer sa ligne Saint-Malo – Portsmouth et ouvrir une nouvelle ligne entre Cherbourg et Portsmouth, venant ainsi faire concurrence avec le service proposé par P&O. Bretagne et Val de Loire sont ainsi mobilisés sur ces deux lignes en complément d’un navire à grande vitesse, Normandie Express. En réponse, P&O affrète un autre navire express, renommé Caen Express, afin de faire concurrence à Brittany Ferries.
Cependant, ce plan de transport s’avère rapidement déficitaire pour les deux opérateurs. Brittany Ferries transfère ainsi dès la fin 2004 Bretagne vers la ligne Plymouth alors que P&O Ferries engage une revue de ses activités. Le 28 septembre 2004, P&O propose d’affréter les Pride of Portsmouth et Pride of Le Havre à Brittany Ferries. Cependant, les régulateurs de la concurrence s’y opposent et P&O Ferries poursuit jusqu’au 30 septembre 2005 l’exploitation de la ligne Le Havre – Portsmouth. La ligne de Cherbourg avait été fermée dès le 14 janvier 2005 et les deux navires express transférés sur d’autres lignes de P&O dès la fin de la saison 2004.
Durant l’été 2005, Barfleur assure une traversée quotidienne entre Cherbourg et Portsmouth en remplacement du service assuré l’année précédente par Bretagne et Val de Loire d’une part et du service de P&O Ferries d’autre part. Ce service ne fut cependant pas renouvelé les années suivantes, alors que Brittany Ferries se trouve dans une situation de quasi-monopole sur les lignes partant de Portsmouth. Seuls subsistent en effet un service réduit sur Le Havre – Portsmouth repris par le français LD Lines et la ligne Portsmouth – Bilbao que P&O opère depuis 1993.
En parallèle, Brittany Ferries décide néanmoins de remplacer Coutances, qui continuait d’assurer un service de fret entre Cherbourg et Poole par un nouveau roullier, dénommé Cotentin. Durant sa construction, décision est prise d’engager le nouveau navire sur une nouvelle liaison Poole – Santander les week-end afin de libérer du fret les garages de Pont-Aven.
La crise des années 2010
De nouvelles orientations pour la compagnie
À la fin-2005, Brittany Ferries revend subitement Val de Loire aux danois de DFDS et annonce vouloir construire un nouveau RoPax pour la ligne Roscoff – Plymouth. Base sur la coque de Cotentin, ce nouveau navire proposerait des prestations d’un rang inférieur par rapport à Val de Loire, en phase avec la courte durée de la ligne de Roscoff. Cependant, ce nouveau navire ne devant prendre la mer qu’e 2008, Britanny Ferries affrète puis achète à DFDS le navire que l’acquisition de Val de Loire leur avait permis de remplacer, le Duke of Scandinavia. Rénové en amont de sa mise en service, il est renommé Pont-l’Abbé par Brittany Ferries. Cependant, ce changement de navire est accompagné par la fermeture hivernale de la ligne Roscoff – Plymouth.
En février 2007, Brittany Ferries est marqué par le décès de son président et fondateur Alexis Gourvennec. Ce dernier avait néanmoins préparé sa succession les missions de direction de celle de définition de la stratégie d’entreprise. Entrée vingt ans plus tôt dans la compagnie, Martine Jourden devient Présidente du Directoire tandis que la Présidence du Conseil de Surveillance échoit à Jean-Marc Roué, agriculteur originaire de Plougoulm.
En 2009, Brittany Ferries décide de concurrencer la ligne Portsmouth – Bilbao de P&O en repositionnant Pont-Aven sur une rotation hebdomadaire Portsmouth – Santander. La plus grande vitesse de Pont-Aven permet de réduire la durée de traversée de près d’un tiers. Le succès de ce service incite la compagnie à acquérir un nouveau navire pour la saison 2010, Cap Finistère, qui est positionné sur deux rotations hebdomadaires, réalisées en 24 heures.
Un modèle économique percuté par la crise des subprimes
La crise des subprimes engendre une forte baisse du cours de la livre sterling qui réduit fortement les recettes générées par Brittany Ferries – majoritairement libellée dans cette monnaie alors que ses coûts sont en euros. De plus, les britanniques réduisent la fréquence de leurs voyages en France, fragilisant d’autant le modèle de la compagnie. Afin de limiter les pertes, Barfleur est désarmé durant la saison 2010 puis affrété à DFDS pour de services Calais – Douvres durant la saison 2012.
Cependant, ayant enregistré près de 70 millions d’euros de perte entre 2009 et 2012, Brittany Ferries est contrainte d’annoncer en juin 2012 un plan de retour à la compétitivité. Il se traduit par la réduction du nombre de traversées proposées durant l’hiver, en premier lieu sur les lignes Roscoff – Plymouth et Saint-Malo – Portsmouth. De plus, Cotentin est affrété à Stena Line à la fin de la saison 2012, remplacé sur une ligne Cherbourg – Poole par le retour de Barfleur sur une unique traversée quotidienne, contre deux jusqu’alors.
Par ailleurs, confrontée à des compagnies aux coûts salariaux bien plus faible, Brittany Ferries demande à ses personnels d’importants efforts afin de pouvoir préserver l’embauche de marins français. En réaction, les partenaires sociaux mènent des blocages de navires aléatoires, perturbant fortement le trafic. Afin de leur forcer la main, les actionnaires de la compagnie suspendent toutes les traversées du 21 septembre au 1er octobre 2012 ; menaçant de se séparer de leurs parts dans l’entreprise et ainsi de provoquer sa liquidation.
Un retour à la normal perturbé
La modification des conditions de travail des marins – négociée pour une durée limitée – permet à Brittany Ferries de relancer son développement. Elle décide ainsi de repositionner Normandie Express sur une liaison Le Havre – Portsmouth en concurrence directe avec LD Line. Le succès de ce service précipite la chute de ce compagnie, permettant à Brittany Ferries de la reprendre dès la saison 2014, avec le navire associé. Rebaptisé Étretat, il inaugure un service économique, du fait de ses installations moins cossues que sur les autres navires de la compagnie.
Les efforts décidés en 2012 ayant permis à la compagnie de se redresser, la direction de Brittany Ferries propose aux partenaires sociaux de renégocier les conditions de travail mises en place depuis la fin-2012. Cependant, alors que la direction entend proposer un modèle « plus sain » que ce qui avait été signé trois ans plus tôt, les négociations se tendent rapidement avec les syndicats.
L’année 2015 débute ainsi par la grève des matelots des Mont-St-Michel et Normandie paralysant la principale ligne de la compagnie. En mai 2015, les dockers de Ouistreham immobilisent à quai le Mont-St-Michel afin de protester contre leurs conditions salariales. En l’absence de dialogue, les actionnaires de la compagnie libèrent eux-mêmes Mont-St-Michel dans la nuit du 09 au 10 mai, en en sectionnant les amarres après s’être introduits dans la zone portuaire.
Enfin, l’année 2015 se termine par l’annonce de la compagnie de la réimmatriculation de Normandie Express en Grande-Bretagne pour la saison 2016, afin de permettre une réduction de 20% de ses coûts d’exploitation. Afin de contraindre les syndicats à la signature d’un accord permettant de préserver l’emploi de marins français, une partie des officiers de la compagnie se mobilise pour imposer aux syndicats un référendum d’entreprise pour ratifier les conditions de travail proposées par la direction.
Le retour de l’expansion
Une flotte en transition énergétique
Afin d’accompagner les normes d’émission de souffre des navires, entrées en application le 1er janvier 2015, Brittany Ferries annonce fin-2013 un plan de modernisation de sa flotte. Ce plan comprenait trois volets, le premier étant le remplacement de Pont-Aven par un nouveau navire plus capacitaires propulsé au Gaz Naturel Liquéfié (GNL). Construit aux chantiers de l’Atlantique, ce projet dénommé Pegasis devait prendre la mer en 2017. Sa livraison aurait permis de repositionner Pont-Aven sur Saint-Malo – Portsmouth, entraînant la revente de Bretagne. Le second volet du plan prévoyait la conversion de Armorique, Mont-St-Michel et Pont-Aven au GNL. Enfin, les plus anciens navires (Barfleur, Cap Finistère et Normandie) devaient être équipés de filtres à particules.
Cependant, le modèle économique fragilisé de la compagnie ne permet pas de recueillir les financements pour la construction du nouveau navire, dont la construction est différée. De même, Brittany Ferries ne parvient pas à sécuriser les financements pour la conversion de Armorique, Mont-St-Michel et Pont-Aven, qui sont finalement équipés de filtres à particules durant l’hiver 2015-2016.
Le 1er avril 2016, la compagnie réaffirme sa volonté de remplacer trois navires d’ici à 2021, dont Bretagne. Cependant, le vote du Brexit, le 23 juin 2016, enterre définitivement les rêves de remplacement de Bretagne par un navire plus spacieux. En effet, le départ du Royaume-Uni de l’Union Européenne fait peser un risque trop grand sur des lignes dont l’essentiel du trafic repose sur les passagers.
Néanmoins, le renouvellement de la flotte se fait pressent et Brittany Ferries annonce le 19 juin 2017 la commande d’un nouveau ferry propulsé au GNL, destiné à remplacer Normandie. Baptisé Honfleur, ce projet est équipé d’un système intégré de ravitaillement par le biais de conteneurs. Ce dispositif innovant permet à la compagnie de se dispenser de travaux dans ses ports pour alimenter ses navires avec ce nouveau carburant.
Un partenariat avec Stena Line
Alors que la commande de Honfleur venait d’être officialisée, Brittany Ferries officialise le 28 août un accord noué avec Stena Line pour l’affrètement coque-nue d’un nouveau navire. Issu d’une série de quatre navires (avec une option pour quatre navires supplémentaires), ce nouveau navire de 215 mètres de long permettrait de remplacer Baie de Seine à la fin de son contrat d’affrètement. Pour la première fois, un navire destiné à Brittany Ferries serait construit en Chine.
La commande d’un second navire similaire au premier est officialisée le 25 mai 2018, suivi d’un troisième le 26 mars 2019. Ces deux navires sont également destinés à des traversées vers l’Espagne mais diffèrent du premier par leur motorisation au GNL. Ils marquent une augmentation du trafic sur ces lignes de près de 80% depuis 2008.
Le développement des lignes vers l’Espagne
Le 30 janvier 2015, Brittany Ferries annonce l’affrètement à DFDS du Sirena Seaways. Rebaptisé Sirena Seaways, ce nouveau navire permet la création de deux nouvelles rotations entre Portsmouh et l’Espagne , partagées avec Etretat.
Avec sept traversées hebdomadaires, les lignes anglo-espagnoles de Brittany Ferries constituent désormais une réelle alternative de report modal pour les transporteurs routiers. Afin d’accompagner ce succès, Brittany Ferries affrète le 19 janvier 2016 le MN Pelican. Affrété avec équipage, ce nouveau navire propose deux traversées hebdomadaires entre Poole et Bilbao, réservées aux remorques non-accompagnées.
Par ailleurs, alors que le Brexit jette un voile d’incertitude sur les conditions d’échanges de marchandise entre l’Irlande et le continent, Brittany Ferries annonce le 16 janvier 2018 la création d’une nouvelle ligne Cork – Sandander, avec deux traversées hebdomadaires. En complément, il est annoncé la création d’une nouvelle traversée Cork – Roscoff. Pour ce faire, la compagnie affrète Connemara, sous pavillon chypriote afin de limiter le risque économique supporté par la compagnie dans le cas où le succès de cette nouvelle ligne ne serait pas au rendez-vous.
Après deux ans de fonctionnement, la liaison Irlande – Espagne est repositionnée entre les ports de Rosslare et de Bilbao. En effet, si cette liaison a trouvé sa clientèle passagers, le fret n’a pas atteint ses objectifs en raison d’une connectivité perfectible des ports d’arrivée. Sur la saison suivante, ce changement de ports permet une augmentation de 32% des volumes transportés.
Malgré la pandémie de Covid-19, Brittany Ferries poursuit le développement des lignes vers l’Irlande. Durant l’hiver 2020-2021, Armorique opère un service réservé au fret depuis Roscoff et Saint-Malo vers l’Irlande. La saison 2020-2021 permet ainsi un accroissement de 70% du volume de fret transporté sur cet axe, motivant la création d’une ligne Le Havre – Rosslare dès le 12 novembre 2021.
Des ambitions contrariées
L’abandon de Honfleur
Le 12 mars 2018, Brittany Ferries annonce la découpe de la première tôle de son nouveau navire destiné à Caen – Portsmouth, Honfleur, aux chantiers allemands FSG de Flensburg. Cette première étape est rapidement suivie par la pause de la quille, le 07 août 2018. La coque de Honfleur est mise à l’eau le 17 décembre 2018, sur laquelle est soudée quelques jours après la superstructure, fabriquée en Pologne. À cette date, Brittany Ferries annonce la mise en service de Honfleur à l’été 2019.
Cependant, la finalisation de la coque – notamment la construction de la cheminée – et l’aménagement des espaces intérieurs prennent rapidement du retard. En effet, la trésorerie du chantier est impactée par la livraison retardée du W.B. Yeats, propriété d’Irish Ferries ce qui ne lui permet pas de financer les approvisionnements nécessaires à la construction de Honfleur. La livraison du navire est alors repoussée à 2020.
Afin de compenser la livraison retardée de Honfleur et le départ de Baie de Seine, Brittany Ferries annonce le 20 juin 2019 l’affrètement pour la saison 2020 d’un nouveau navire, d’une conception similaire à celle d’Étretat et de Connemara.
Les difficultés du chantier naval s’aggravent lorsqu’il doit rembourser 33 millions d’euros à Irish Ferries qui a résilié la commande d’un second navire. Le chantier est alors placé en liquidation judiciaire et la livraison de Honfleur repoussée à 2021. Brittany Ferries et la SOMANOR annoncent la résiliation du contrat de construction de Honfleur le 17 juin 2020. Ils actent ainsi la perte de confiance dans la capacité du chantier à terminer le navire dans un délai raisonnable.
Menacée de démolition, la coque est rachetée par un ancien actionnaire des chantiers FSG et remorquée en Norvège pour être finalisé. Le navire est finalement affrété par Balearia en février 2023 et accueille ses premiers passagers en mai, avec quatre années de retard.
La pandémie de Covid-19
Alors que le virus du Covid-19 se propage dans toute l’Europe et que des restrictions de circulation sont imposées aux populations, l’activité de Brittany Ferries est durement impactée au printemps 2020.
Le 14 mars, Brittany Ferries annonce la suspension de la ligne Le Havre – Portsmouth et le report d’un mois de la remise en service du Pont-Aven. Le 16 mars, ce sont les lignes Cherbourg – Poole, Saint-Malo – Portsmouth et Roscoff – Plymouth qui sont suspendues à leur tour. Le lendemain, Brittany Ferries annonce que seuls les Cap Finistère, Connemara, Kerry, Mont-St-Michel et MN Pelican seraient en service les semaines suivantes, uniquement pour le transport de fret.
Ce service réduit perdure jusqu’au 23 juin 2020, date à laquelle Brittany Ferries annonce la reprise progressive de ses liaisons maritimes. Seuls Barfleur, Etretat et Normandie Express ne reprennent pas du service.
Mi-août 2020, le gouvernement britannique impose une quarantaine pour l’ensemble des voyageurs en provenance de France. En réaction, Brittany Ferries annonce le désarmement d’Armorique, de Bretagne et de Connemara dès la fin de la saison estivale. Ces restrictions perdurent jusqu’à l’été 2021.
L’entrée en vigueur du Brexit
La difficile négociation de l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, marquée par trois reports successifs de son entrée en vigueur au cours de l’année 2019, impacte l’activité de Brittany Ferries. Ainsi, l’année 2019 est marquée par une baisse de 5% du trafic passager.
Néanmoins, la perspective du renforcement des procédures douanières aux ports de Calais et Douvres fait craindre au gouvernement britannique une saturation de ces ports, et donc des difficultés pour l’approvisionnement en bien de son territoire. De ce fait, il passe des contrats avec plusieurs armateurs, dont Brittany Ferries, pour réserver des capacités de transport de fret à bord de leurs navires.
Reconduits en 2019, 2020 et 2021 ; ces accords permettent de soutenir l’activité des lignes Cherbourg – Poole et Le Havre – Portsmouth, et motivent le retour en flotte de Cotentin le 1er janvier 2021. Le retour de ce fréteur sur Cherbourg – Poole et son introduction sur Le Havre – Portsmouth permet la restitution du plus polyvalent Étretat à Stena Line.
De l’acquisition de Condor Ferries à la perte de la desserte de Jersey
Le 9 mars 2020, Brittany Ferries annonce devenir actionnaire minoritaire de Condor Ferries, aux côtés du fond d’investissement Columbia Threadneedle. Cette acquisition intervient à la veille du renouvellement du contrat de desserte des îles anglo-normandes. Présenté comme un appel d’offre conjoint entre Guernesey et Jersey, ce processus se traduit in fine par la création de deux services distincts.
En effet, alors que Condor Ferries traverse des difficultés financières, les deux gouvernements souhaitent sélectionner un partenaire offrant des garanties de pérennité pour leur desserte. C’est ainsi que face au tandem Brittany Ferries / Condor Ferries s’alignent les danois de DFDS, intéressés pour se positionner sur le port de Portsmouth afin de développer sa chaîne logistique.
Afin de démontrer aux autorités que les deux compagnies disposent au sein de leur flotte de navires aptes à suppléer les navires dédiés à ce service, Brittany Ferries et DFDS réalisent des essais d’accostage dans les deux ports. Barfleur réalise ainsi des essais à Saint Hélier le 25 mars 2024, puis à Saint-Pierre-Port le 16 avril 2024. Par la suite, Bretagne réalise les mêmes essais le 28 mai à Saint-Hélier, le 4 juin à Saint-Pierre-Port. De son côté, DFDS réalise les mêmes essais avec Finlandia Seaways le 16 décembre 2023, Seven Sisters le 3 octobre et Mistral le 20 octobre 2024. Le coût de ses essais à Jersey est pris en charge par le gouvernement local.
Néanmoins, au cours du processus, des divergences d’approche entre les deux gouvernements apparaissent, qui conduisent Guernesey à renouveler seul sa confiance à Brittany Ferries, le 30 octobre 2024. Jersey propose alors à Brittany Ferries de signer un contrat intérimaire de sept mois, le temps de relancer un nouveau processus qui concernerait uniquement la desserte de Jersey.
Néanmoins, estimant qu’un tel contrat ne serait pas viable, Brittany Ferries rejette cet accord, forçant le gouvernement de Jersey a relancer un nouveau processus. Le 3 décembre, il annonce avoir retenu DFDS comme le lauréat de ce processus, imposant un partage inédit des lignes maritimes vers les îles Anglo-normandes depuis la France et la Grande-Bretagne. Le résultat de ce processus est néanmoins contesté par Brittany Ferries :
« Nous avions demandé en appel au tribunal de Jersey, le résultat de l’appel d’offres numéro 1 car nous savons que nous l’avons remporté. Nous n’avons pas été disqualifiés mais DFDS, oui. Au second tour, nous n’avions pas les moyens de gagner, quatre bateaux étaient exigés pour Jersey. Je ne suis pas l’armateur le plus riche. »
Jean-Marc Roué, Président du Conseil de surveillance, 31 janvier 2025
La transition vers un nouveau modèle
Une ambition réaffirmée
Après une année fortement marquée par la pandémie de Covid-19, qui résulte en une baisse de 57% du chiffre d’affaire de la compagnie, l’assemblée générale du 19 mars 2021 réaffirme le modèle économique de l’armement breton.
Si un plan d’économies (prévoyant une réorganisation interne et la suspension hivernale de quelques lignes) est voté par les actionnaires, l’armement réaffirme trois principes qui font son identité. Le premier est le maintien de son actionnariat local, la compagnie restant largement la propriété des paysans qui l’ont fondé. Le second consiste à réaffirmer l’attachement de Brittany Ferries au pavillon français. À cet effet, la compagnie se mobilise auprès des gouvernements français et britanniques pour le vote de lois contre le dumping social sur le transmanche. Enfin, le dernier consiste à poursuivre la transition de la compagnie pour réduire son impact écologique, avec l’arrivée annoncée pour 2022 et 2023 de deux navires propulsés au GNL.
Cette réaffirmation des principes du modèle économique de Brittany Ferries s’appuie sur une étude de marché menée par le cabinet LEK. Cette dernière annonce une reprise du trafic passager à la hauteur des résultats 2019 dès 2022 et met en exergue le haut niveau de fidélisation des clients de Brittany Ferries. En effet, 70% des réservations le sont par des clients réguliers.
Pour renforcer son assise sur le transport de fret, Brittany Ferries officialise le 14 septembre 2021 son partenariat avec l’armateur marseillais CMA CGM, qui devient dans le même temps actionnaire de l’entreprise de Roscoff. Le premier conteneur de CMA CGM embarque à bord de Cotentin le 12 janvier 2022.
Une flotte modernisée
Alors que les affaires de la compagnie restent pénalisées par les impacts de la pandémie de Covid-19, Brittany Ferries inaugure son premier navire neuf depuis 2009 le 27 novembre 2020. Commandé en 2017, Galicia incarne la volonté de Brittany Ferries de développer le trafic de ses lignes Grande-Bretagne – Espagne. Long de 215 mètres, il est ainsi le plus long navire a avoir été opéré par la compagnie. Son arrivée dans la flotte permet de restituer le Kerry à son propriétaire.
Le 21 juillet 2021, Brittany Ferries officialise la commande auprès de Stena Roro de deux nouveaux navires reposant sur le concept E-Flexer. Plus courts que le reste de la série, avec une longueur de 195 mètres, ces deux nouvelles unités sont destinées à remplacer Bretagne et Normandie à compter de 2025. Disposant d’un garage plus spacieux que leurs prédécesseurs, ces deux navires permettent d’accroître la capacité offerte sur les lignes Saint-Malo – Portsmouth et Caen – Portsmouth, pour des coûts d’exploitation réduits.
Tout comme Salamanca et Santoña, ces deux nouveaux navires sont propulsés au GNL. Ils en diffèrent néanmoins par la mise en place d’un système électrique, qui permet la propulsion et la manœuvre au port sans recourt à leur motorisation thermique.
Salamanca réalise sa première traversée le 27 mars 2022. Sa mise en service a pour conséquence la vente de Cap Finistere, celui avec lequel Brittany Ferries a fondé le développement de ses lignes vers l’Espagne au tournant des années 2010.
Le 3 mars 2023, Santoña opère sa traversée inaugurale. Son arrivée permet la restitution de Connemara dès novembre 2022 à Stena Line. La ligne Rosslare – Bilbao est alors transférée à Salamanca. La restitution de Connemara permet à l’ensemble de la flotte d’être opérée sous pavillon français.
Durant son arrêt technique de l’hiver 2023-2024, Pont-Aven bénéficie d’une opération de modernisation. Cette dernière consiste à l’ajout d’une excroissance de 3 mètres à l’arrière de sa coque, afin de réduire les frottements d’eau. Brittany Ferries espère réduire la consommation de fuel de 10% grâce à ces travaux.
Finalement, l’année 2025 est marquée par la mise en service de Saint-Malo et Guillaume de Normandie, les 12 février et 18 avril respectivement.
Le début de nouveaux services
En février 2020, Brittany Ferries officialise son intention d’opérer un nouveau service de ferroutage entre Cherbourg et Bayonne. Ce service permettrait de transporter par train des semi-remorques en provenance des ports de Rosslare, Portsmouth et Poole vers la frontière espagnole. Ce service viendrait se substituer aux traversées opérées par MN Pelican entre Poole et Bilbao.
Initialement annoncé pour 2022, la ligne est finalement lancée en mars 2025 avec le recours à 47 wagons acquis spécialement pour le service, alors que deux terminaux sont construits au sein du port de Cherbourg et à Mouguerre.
Parallèlement à ce projet, Brittany Ferries annonce pour l’été 2022 le retour de liaisons estivales à grande vitesse entre Cherbourg et Portsmouth / Poole. Conséquence de l’affrètement à Condor Ferries de l’ex-Normandie Express durant la pandémie, ce service est opéré en coopération avec Condor Ferries avec le navire Condor Liberation. Le service est par la suite renouvelé durant les étés 2023 et 2024.
L’attribution par le gouvernement de Guernesey d’un contrat de 15 ans pour la desserte maritime de l’île permet à Brittany Ferries d’étendre son réseau. La marque Condor Ferries est ainsi appelée à disparaître au profit de Brittany Ferries Channel Islands. La création d’un service indépendant de la desserte de Jersey, dont le port contraignait fortement les horaires du service, permet une nette augmentation des réservations à destination de Guernesey, aussi bien depuis la France que depuis la Grande-Bretagne.
Sources
- « About Brittany Ferries ». In Brittany Ferries, , 2015. [consulté le 31 juillet 2015]. Disponible sur www.brittany-ferries.co.uk ;
- Irish Ferries Enthusiasts, , 2014. [consulté le 31 juillet 2015]. Disponible sur irish-ferries-enthusiasts.com ;
- « Brittany Ferries ». In Wikipedia, , 2015. [consulté le 31 juillet 2015]. Disponible sur en.wikipedia.org ;
- Mer et Marime, 05 mars 2015. Disponible sur www.meretmarine.com ; . « Brittany Ferries veut commander deux à trois nouveaux navires d’ici 5 ans »,
- Le Télégramme, 21 juin 2015, n°906, p.24 ; . « Brittany Ferries. Les paysans armateurs »,
- Le Télégramme, 08 octobre 2015. Disponible sur www.letelegramme.fr. . « Brittany Ferries. « Le Brexit a flouté notre avenir »,