Condor Ferries | L’histoire depuis 1964

Commodore Clipper arrivant à Saint-Pierre Port

Condor Ferries | L’histoire depuis 1964

Condor Ferries est un armateur qui assure des services maritimes entre Saint-Malo, Guernesey et l’Angleterre, ainsi qu’entre Le Havre et Portsmouth. Sa flotte est constituée d’un navire à grande vitesse et de deux ferry RoPax. Depuis 2025, ses services sont opérés sous les couleurs de Brittany Ferries, actionnaire majoritaire de la compagnie.

Condor Ferries est le résultat de la fusion de deux armements : Commodore Ltd, fondé en 1947, et Condor Ltd, fondé en 1964. La fusion formelle entre les deux est intervenue au tournant des années 2000.

La création de Commodore

L’armement Commodore Cruises Ltd est fondé en mars 1947. Les premiers services opérés par l’armement sont des excursions sur la côte sud de l’Angleterre, à l’aide d’anciens navires de la Royal Navy britannique. Commodore réalise ses premiers pas dans les îles Anglo-normandes le 9 septembre 1947, lorsqu’elle affrète le Red Commodore pour relier les îles d’Aurigny et de Sercq à Guernesey. Par la suite, l’armement développe des services de fret vers Saint-Malo et Portsmouth depuis les îles Anglo-normandes.

En juillet 1960, Commodore est acquis par Mansfield Markham. Le nouvel actionnaire ambitionne alors de développer des services à grande vitesse pour concurrencer les services conventionnels offerts par British Railways, ainsi que de nouvelles lignes vers la France. Le Linger est alors acquis pour développer les services vers Sark.

Commodore connaît un nouvel élan en avril 1962 lorsque Jack Norman intègre son conseil d’administration. Jack Norman est alors à la tête de l’un des principaux acteurs du transport de fret vers les îles Anglo-normandes, octroyant par ce biais à Commodore un supplément de chiffre d’affaire pour consolider ses positions.

En 1963, la flotte de Commodore compte trois navires : Orselina, qui opère vers Saint-Malo, Allen Commodore qui opère depuis Portsmouth et son sister-ship Norman Commodore, qui est opéré depuis Shoreham. Début-1964, Commodore obtient l’exclusivité du transport des tomates produites sur l’île de Guernesey, soutenant le trafic de sa ligne de Shoreham.

Aux origines de Condor Ltd

Le retrait de British Railways des liaisons Îles Anglo-normandes – France

Le 29 novembre 1962, British Railways annonce le désarmement du navire Brittany. Le Brittany était employé sur les lignes Saint-Malo – Southampton et Saint-Malo – Jersey. Saint-Malo – Southampton est alors l’une des dernières lignes opérées sur le transmanche par British Railways, dont les velléités de fermer ces services sont notoirement connues.

Sous pression des autorités de Jersey, British Railways consent néanmoins à engager le Saint-Patrick sur la ligne Saint-Malo – Jersey pour la saison 1963, qui s’étend jusqu’au mois d’octobre. Si British Railways opérera ce service au cours de la saison 1964, le peu d’intérêt qu’elle lui porte créé une opportunité pour de nouvelles compagnies de s’implanter.

En mai 1963 est ainsi fondé l’armement Jersey Lines, qui acquiert le navire La Duchesse de Normandie pour relier Guernesey et Jersey à Saint-Malo. Le service étendra par la suite ses services vers Granville, Paimpol et Cherbourg.

Dans le même temps, Peter Dorey et Jack Norman (devenu entre temps le PDG de Commodore) décident de se lancer à leur tour dans le marché du transport de passagers entre Saint-Malo et les îles Anglo-Normandes. C’est ainsi que Condor Ltd est fondée le 13 mars 1964 à Guernesey, avec 2/3 des parts sociales appartenant à Peter Dorey.

Les débuts de la vitesse pour les îles Anglo-normandes

Afin de débuter leurs services, Peter Dorey et Jack Norman visitent plusieurs chantiers en vue d’acquérir une vedette grande vitesse. La technologie hydroptère développée par les chantiers italiens Rodriquez attirent leur attention, et les deux entrepreneurs acquièrent au début de l’année 1964 un hydroptère PT50 pour 200 000£, après avoir envisagé l’acquisition d’un navire plus petit, de type PT 20.

La vedette est livré à Guernesey le 12 avril 1964 et est baptisée Condor 1. Ses ailerons, qui lui permettent de voler au-dessus de l’eau, permettent au navire d’atteindre la vitesse de 33 nœuds, accélérant significativement les traversées entre Saint-Malo et les îles Anglo-normandes. Condor 1 opère son premier service le 1er mai 1964 entre Saint-Malo, Jersey, Guernesey et Sark. Certaines traversées sont également proposées vers Granville et un essai est réalisé vers Torquay (Angleterre) le 3 septembre. Toutefois, ces deux services n’auront pas de suite au cours des années suivantes.

La mise en service de Condor 1, combiné aux efforts du concurrent Jersey Lines, sont un véritable succès qui précipitent la chute de British Railways sur la ligne Saint-Malo – Îles Anglo-normandes. C’est ainsi que le Saint-Patrick opère ses derniers services sur les lignes Saint-Malo – Southampton et Saint-Malo – Jersey le 27 septembre 1964. British Railways maintiendra néanmoins quelques services frets vers Saint-Malo jusqu’au 19 décembre.

De la disparition de British Railways à l’expansion de Condor Ltd

Afin de pallier au retrait de British Railways, l’armement français CGT inaugure son propre service de navires conventionnels de Saint-Malo vers les Îles Anglo-normandes le 10 juillet 1965. Ce service a recours au navire Lisieux. Cependant, ce service n’atteint pas le succès escompté et n’est pas renouvelé au terme de la saison 1965, qui prend fin le 2 octobre.

Au même moment, Commodore consolide ses opérations à Portsmouth. Ces dernières sont transférées vers de nouvelles installations sur le quai Albert Johnson, inaugurées le 7 février 1968. Quant à Jersey Lines, la compagnie équipe La Duchesse de Normandie d’un ascenseur pour embarquer des véhicules en avril 1966. L’année suivante, sa flotte s’étend avec l’acquisition de La Duchesse de Bretagne, qui est engagée au départ de Southampton, Weymouth, Torquay et Plymouth vers les Îles Anglo-normandes.

Cependant, les activités de Jersey Lines connaissent une fin abrupte lorsque la cour de justice de Jersey la condamne à verser 3 304£ à l’un de ses créditeurs, le 16 novembre 1968. Cette décision provoque la faillite de la compagnie, créant une opportunité pour Condor Ltd d’accroître ses parts de marché. C’est ainsi que Condor Ltd affrète à compter de l’été 1969 le Condor 2, un sister-ship de Condor 1.

L’expansion à grande vitesse de Condor Ltd

L’acquisition de nouveaux hydroptères

L’exploitation de deux hydroptères au cours des saisons 1969 et 1970 sont un véritable succès pour Condor Ltd. C’est pour cela que la compagnie commande Condor 3 en août 1970 pour poursuivre le service après la restitution du Condor 2 à ses propriétaires. Condor 3 opère ses premières traversées le 12 avril 1971.

Au cours de l’année 1972, Peter Dorey envisage l’acquisition de deux Boeing Jetfoil 929, des navires d’une capacité de 200 passagers, pour créer un service à grande vitesse depuis l’Angleterre. Cependant, les premiers essais en mer de ces navires le font douter de leur adéquation avec les eaux de la Manche et Condor Ltd renonce à ce projet.

Condor Ltd introduit un troisième hydroptère dans sa flotte en juin 1974, Condor 4. Il est suivi en 1976 de l’acquisition de Condor 5, dont l’arrivée permet la vente du plus petit Condor 1 à l’armement italien SNAV. Au même moment, les Vedettes Blanches introduisent à leur tour un navire rapide sur la ligne Saint-Malo – Saint-Hélier, prenant la forme d’un catamaran.

Le changement de mains forcé de Condor Ltd

Le fondateur de Condor Ltd, Peter Dorey, est également un skipper de haute-mer. Le 14 août 1979, cette passion provoque sa perte en mer, lorsque la flottille de la Fastnet se retrouve au milieu d’une tempête avec des rafales soufflant à force 10. Après son décès, c’est son épouse Kathleen Dorey qui prend la direction de Condor Ltd.

À l’issue de la saison 1979, Condor Ltd vend Condor 3. La compagnie projette en effet de le remplacer au cours de l’été 1980 par l’affrètement d’un catamaran de 260 places, Condor 6. Grâce à son tirant d’eau plus faible, ce nouveau type de navire permettrait de rendre les services de Condor Ltd moins dépendants du rythme des marées. Cependant, Condor 6 est l’objet de multiples incidents techniques qui entraînent son retrait anticipé, le 16 septembre 1980.

Pour remplacer Condor 6, Condor Ltd parvient à réaffréter Condor 2 pour compléter sa flotte au cours de l’été 1981. Néanmoins, le contrat n’est pas renouvelé l’année suivante, réduisant la flotte à deux navires. La concurrence entraîne en effet une baisse des chiffres de fréquentation de la compagnie. Cela n’empêche pas Condor Ltd de transporter son quatre-millionième passager en juillet 1983.

Le 25 août 1983, Commodore Shipping Co. Ltd acquiert les parts de Kathleen Dorey dans Condor Ltd, devenant l’actionnaire unique de la compagnie. La prise de contrôle de Commodore s’accompagne de la commande d’un nouveau hydroptère pour livraison en 1984 et du déploiement d’une nouvelle charte graphique. De plus, la compagnie acquiert un petit catamaran, Condor Kestrel, pour assurer le transbordement des passagers entre ses hydroptères et le port de Sercq.

Le positionnement opportun de Condor sur les liaisons vers l’Angleterre

Condor 7 opère sa première traversée pour Condor Ltd le 16 mai 1985. Son entrée en flotte permet de repositionner trois hydroptères sur les services reliant les îles Anglo-normandes à la France et ouvre la voie à un nouveau développement de la compagnie.

En effet, la création en mars 1985 de Channel Island Ferries met sous pression l’opérateur historique, Sealink, dans le contexte d’une baisse continue du nombre de passagers transportés sur les lignes maritimes entre l’Angleterre et les Îles Anglo-normandes. C’est ainsi que Sealink projette une perte de £6 millions pour l’année 1986.

Le 30 septembre 1986, les directions de Sealink et de Channel Island Ferries annoncent ainsi la formation, dès le lendemain, d’une joint-venture pour opérer conjointement les liaisons maritimes entre l’Angleterre et les Îles Anglo-normandes. Cependant, l’annonce du licenciement de 630 personnes parmi les employés de Sealink entraîne un mouvement de grève spontané du personnel. Les ports de Saint-Pierre-Port et Weymouth sont occupés par l’immobilisation des navires Earl William et Earl Godwin.

La fermeture du port de Saint-Pierre-Port constitue une opportunité pour Condor Ltd de se positionner sur le trafic des passagers entre l’Angleterre et Guernesey. C’est ainsi que Condor 7 est utilisé pour maintenir une liaison maritime directe, transportant 18 000 passagers en 18 jours de service. Le succès de cette expérimentation ouvre la voie à sa pérennisation pour l’été 1987.

La constitution d’un monopole pour Condor Ferries

La pérennisation de la ligne de Weymouth

Le 10 avril 1987, Condor Ltd opère la première traversée régulière entre Weymouth et les îles Anglo-normandes. Après l’expérimentation réussie d’octobre 1986, la compagnie prévoit d’opérer le service avec Condor 5 et Condor 7 jusqu’au 17 octobre. Les horaires prévoient un aller-retour sur la journée depuis Saint-Malo vers Weymouth, avec des escales en cours de route à Jersey et à Guernesey.

46 200 passagers sont transportés entre Weymouth et les îles Anglo-normandes au cours de l’été 1987. Cependant, l’ouverture de cette nouvelle ligne réduit la capacité proposée par Condor Ltd sur ses marchés historiques inter-îles et Saint-Malo – Portsmouth. C’est pour cela que la compagnie acquiert Condor 8, qui est mis en service le 17 mai 1988. Pour la première fois, la compagnie dispose d’un bateau capable d’accoster à Sercq, permettant la vente du transbordeur Condor Kestrel.

Durant l’été 1988, 73 500 passagers sont transportés depuis Weymouth vers les îles Anglo-normandes par Condor Ltd, en augmentation de près de 60%. Fort de ce succès, Condor Ltd annonce la commande d’un catamaran de 450 passagers pour remplacer le vieillissant Condor 5, avec une mise en service attendue pour avril 1990.

La mise en service des cars ferries

Condor 9 débute ses rotations entre Saint-Malo, les Îles Anglo-normandes et Weymouth le 17 août 1990. Cependant, sa tenue à la mer est très insatisfaisante, contraignant Condor à le retirer du service dès le 19 août. À l’automne, une campagne d’essais en mer au large d’Aurigny permet l’invention d’un système de foils pilotés par informatique. Installé au cours de janvier 1991, ce système permet la mise en service définitive de Condor 9 le 23 mars 1993.

Les problèmes de tenue à la mer de Condor 9 contraignent Condor à suspendre son projet d’introduire des car-ferries à grande vitesse entre Weymouth et les îles Anglo-normandes. Cependant, ce report n’est que temporaire. En effet, le 24 août 1992, le groupe australien TNT acquiert à Commodore 50% des parts sociales de Condor. L’annonce s’accompagne de la commande deux catamarans à grande vitesse de 74 mètres de long, pour mise en service au printemps 1993.

Condor 10 opère sa première traversée entre Weymouth et les îles Anglo-normandes le 1er avril 1993. Son arrivée permet à Condor d’entamer une guère des prix avec British Channel Island Ferries (BCIF). Cela engendre une perte annuelle de près de £3 million à BCIF, alors que Condor opère pour la première fois un service au cours de l’hiver 1990.

Le partage du marché délaissé par la faillite de British Channel Island Ferries

À compter du 2 janvier 1989, British Channel Island Ferries (BCIF) concentre ses services conventionnels des ports de Weymouth et de Portsmouth vers celui de Poole. Si la première année d’exploitation se traduit par une augmentation de 20% de la fréquentation, cette décision stratégique laisse une place à Commodore et à Condor pour développer leurs propres activités, respectivement sur le fret et sur le passager.

C’est ainsi que le 7 janvier 1994, le PDG de BCIF, Colin Carter, annonce la cessation des opérations de BCIF dès le 22 janvier 1994. Simultanément, Commodore et Condor annoncent l’acquisition des activités de l’entreprise. En conséquence, Condor affrète le Havelet pour une durée de trois ans, afin d’améliorer la robustesse de ses services et de transporter les passagers laissés de côté par l’arrêt des services de BCIF.

Au cours de l’année 1994, TNT vend à Holyman ses parts dans Condor. Cette vente s’accompagne de la commande d’un nouveau catamaran de 78 mètres de long afin de remplacer Condor 10, devenu trop petit pour accueillir l’ensemble des passagers et des véhicules empruntant la ligne de Weymouth.

Les années 1990, la marche vers un monopole pour Condor Ferries

La consolidation du marché Saint-Malo – Îles Anglo-normandes

Au tournant des années 1990, Condor est confrontée à une concurrence croissante sur son marché historique : la liaison Saint-Malo – Îles Anglo-normandes. Cette dernière est menée à la fois par Emeraude Lines – héritière des anciennes Vedettes Blanches – et par Channiland, qui a repris les liaisons opérées depuis Granville par les Vedettes Armoricaines.

En 1993, Channiland positionne le catamaran Saint-Malo sur la ligne Saint-Malo – Jersey – Guernesey, entrant en concurrence frontale avec les activités de Condor. Cependant, le marché n’est pas assez gros pour trois opérateurs, engendrant des pertes de part et d’autre. Pour l’été 1994, Condor et Channiland forment une joint-venture pour se partager le trafic au départ de Saint-Malo.

C’est ainsi que Condor 7 opère sa dernière traversée le 3 octobre 1993 alors que Condor 9 est affrété l’été suivant par SF-Line, pour opérer des services rapides entre Helsinki (Finlande) – Tallinn (Estonie). Seuls Condor 8 et Saint-Malo sont maintenus sur la ligne Saint-Malo – Îles Anglo-normandes.

Cependant, la joint-venture connaît un coup d’arrêt lorsque le 17 avril 1995, Saint-Malo s’échoue au sud-est de Jersey, ouvrant une large brèche dans sa coque bâbord. Channiland parvient à affréter d’autres navires jusqu’au retour de Saint-Malo, qui est finalement affréter par Condor Ferries au terme de la saison 1995 et renommé Condor France.

Des catamarans toujours plus gros

Condor 10 opère sa dernière traversée pour Condor le 28 octobre 1994, afin d’être affrété par Tranz-Rail puis SF-Line. Il est remplacé à compter du 18 mai 1995 par l’affrété Condor 11, capable de transporter 145 voitures contre 84 pour Condor 10. À cette occasion, la compagnie fait évoluer sa marque commerciale et devient Condor Ferries.

Cependant, Condor 11 est victime de nombreuses annulations durant l’été 1995, aussi bien pour des raisons techniques que météorologiques. L’opinion publique commence alors à douter de la robustesse d’un service hivernal opéré exclusivement par des navires à grande vitesse. L’affrètement de Condor 11 ne sera pas renouvelé, ouvrant la voie à l’affrètement de Condor 12 pour l’été suivant.

Au même moment, les autorités portuaires de Jersey refusent à Condor Ferries une licence pour opérer un car-ferry entre Jersey et Saint-Malo. Cette décision entraîne l’abandon du projet d’opérer un deuxième car-ferry à grande-vitesse sur le court-terme.

L’acquisition troublée de Condor Express

Au cours du printemps 1996, Condor Ferries annonce l’acquisition d’un catamaran de 86 mètres de long pour remplacer de manière pérenne Condor 10 sur la ligne Angleterre – Îles Anglo-normandes, transférée du port de Weymouth vers celui de Poole. Pour pouvoir opérer un service sur l’ensemble de l’année, Condor Ferries sollicite une licence permettant au nouveau navire d’opérer dans des creux de trois mètres.

Condor Express gagne Poole le 15 janvier 1997 et débute ses rotations commerciales le 31 janvier au départ de Weymouth. La dernière traversée au départ de Weymouth est opérée le 28 février 1997. Cependant, le premier été de Condor Express est marqué par de nombreux incidents techniques qui attisent de nombreuses critiques sur le service offert par Condor Ferries. Seuls 79% des rotations arrivèrent à Poole avec moins d’une heure de retard sur l’horaire prévu.

Malgré cela, l’année 1997 se traduit par une augmentation de 24% de la fréquentation des services opérés par Condor Ferries. À l’inverse et pour la première fois depuis une décennie, la fréquentation des lignes aériennes vers les îles Anglo-normandes stagne. Fort de ces résultats, Condor Ferries annonce le retour d’une liaison au départ du port de Weymouth, avec la création d’une ligne Weymouth – Guernesey – Saint-Malo opérée par Condor 10.

Cependant, le 3 novembre, le ministère des transports de Guernesey refuse de délivrer la licence pour le transport de véhicules, requise pour ce service, alors que la mise en concession de la desserte des îles Anglo-normandes de la desserte se dessine.

La contractualisation des liaisons Îles Anglo-normandes – Angleterre

La genèse d’une concession pour l’exploitation des ports de Jersey et de Guernesey

Après un été 1997 marqué par les défaillances de Condor Express, les ministères des Transports de Jersey et de Guernesey annoncent le lancement d’un appel d’offre. Ce dernier porte sur une concession de desserte des îles Anglo-normandes à un opérateur unique à compter du 1er janvier 1999. Trois opérateurs manifestent leur intérêt pour cette concession : Condor Ferries, Hoverspeed et P&O Europrean Ferries.

Pour maintenir ses positions, Condor Ferries propose de positionner deux catamarans à grande vitesse au départ de l’Angleterre et de faire construire un navire conventionnel pour janvier 2000. En attendant la livraison de ce dernier, le Havelet serait maintenu en flotte. De plus, Condor Ferries met en avant son implantation locale comme un gage de sa volonté d’offrir aux Îles Anglo-normandes un service adapté à leurs besoins.

P&O propose l’exploitation de deux navires à grande-vitesse entre Portsmouth et Saint-Malo, avec escale dans les îles Anglo-normandes, complétés par un navire conventionnel. Quant à Hoverspeed, l’armateur propose aux Îles Anglo-normandes l’exploitation d’un navire à grande vitesse à l’année depuis Weymouth, complété par un ferry conventionnel durant l’été.

Le 1er juin 1998, le ministère des transports de Jersey exprime son choix en faveur de Condor Ferries. À Guernesey, l’opinion est plus partagée entre les offres de Condor Ferries et de P&O. Finalement, une réunion entre les décideurs des deux îles attribue le 11 juin sur l’attribution du contrat à Condor Ferries. Cependant, si Condor ne remplit pas ses engagements sur une période de trois ans, la concession serait abrogée.

Le rapprochement opérationnel de Commodore et de Condor Ferries

Actionnaire de Condor Ferries depuis sa création, Commodore finalise un rapprochement opérationnel avec Condor Ferries au tournant de l’année 1998. Le désarmement de Havelet à l’automne 1996 avait en effet rendu la desserte passagers soumise aux conditions d’exploitation des navires à grade-vitesse.

Pour garantir le maintien d’une desserte tout au long de l’année, Commodore s’est dès lors mis à étudier la création d’aménagements passagers sur ses Island Commodore et Commodore Goodwill. L’octroi de la concession à Condor Ferries permet de concrétiser ce projet, avec la commande du Commodore Clipper pour remplacer Island Commodore à l’horion 1999. À sa livraison, Commodore Clipper devient le premier ferry conventionnel commandé pour les îles depuis Caesarea et Sarnia, en 1960.

En attendant la livraison de Commodore Clipper, Havelet est réarmé par Condor Ferries tandis que la jauge passager de Condor Vitesse, finalement choisi pour opérer la ligne Weymouth – Guernesey – Saint-Malo, est restreinte à 500 personnes. Cette capacité réduite permet en effet de re-router une partie des passagers en cas de défaillance de Condor Express.

Condor Ferries en monopole

Un service consolidé sur les liaisons Angleterre – Îles Anglo-normandes

L’année 1999 se traduit par une nette amélioration de la réalisation du service opéré par Condor Express et Condor Vitesse. D’importants travaux ont en effet été menés sur les deux navires pour les fiabiliser. C’est ainsi que durant les neuf premiers mois de 1999, seules 8% des traversées ont été annulées ou retardées de plus d’une heure.

Au printemps 2001, Brittany Ferries passe un accord de sous-affrètement avec Condor Ferries, afin d’opérer une rotation à grande vitesse entre Poole et Cherbourg en haute saison. Pour ce service, c’est Condor Vitesse qui est sélectionné et repeint afin d’arborer le logo des deux compagnies.

Cependant, alors que Condor Ferries avait fondé son offre sur son implantation locale, la compagnie est rachetée en même temps que le reste du groupe Commodore par des membres de sa direction à la fin de l’année 2002. L’opération est soutenue par la banque néerlandaise ABM AMRO pour 225 millions d’euros. Cependant, cet actionnariat ne dure qu’un temps, le groupe étant revendu dès 2004 à la Royal Bank of Scotland pour 360 millions d’euros. C’est à l’occasion de ce rachat que la marque Commodore disparaît.

La conversion du service de Saint-Malo au car-ferry

Le 12 septembre 1998, Condor France opère sa dernière traversée pour Condor Ferries. Pour l’année suivante, la compagnie projette d’engager exclusivement Condor 9 sur cette ligne où les car-ferry d’Emeraude Lines s’accaparent une part croissante du marché. En septembre 1999, la compagnie sécurise une concession pour la desserte de Jersey en car-ferry.

Toutefois, à l’été 2002, le bailliage de Jersey se décide finalement à accorder une licence à Condor Ferries pour opérer ses propres liaisons de car-ferry au départ de Saint-Malo vers l’île. Pour ce faire, la compagnie fait moderniser le catamaran Condor 10, qui était sans utilisation depuis 4 ans. Condor 10 opère ses premières traversées depuis Saint-Malo le 10 mars 2002.

Condor Ferries adopte alors dans une politique tarifaire agressive qui finira par provoquer la faillite d’Emeraude Lines, à la fin de l’année 2005. Toutefois, cette position nouvelle de monopole sur Saint-Malo ne peut contrebalancer la baisse continue du trafic enregistrée sur les lignes des Îles Anglo-normandes. Ainsi, la ligne de Saint-Malo enregistre une baisse de 12% des volumes transportés en 2006 que les lignes d’Angleterre enregistrent leur fréquentation la plus faible depuis les années 1960.

Des tentatives avortées de mise en concurrence pour Condor Ferres

La disparition d’Emeraude Lines préoccupe le bailliage de Jersey, qui redoute que Condor Ferries n’abuse de sa position monopolistique nouvellement acquise. C’est ainsi que le 13 mars 2007, le bailliage signe avec la société HD Ferries un engagement de service d’un an pour concurrencer Condor Ferries sur la liaison France – Jersey. La compagnie débute ses traversées le 15 mars 2007.

Les relations entre les deux compagnies se détériorent rapidement. Le catamaran HD1 de HD Ferries est en effet responsable de deux collisions avec les navires de Condor Ferries ; le 11 mai 2007 avec Commodore Goodwill, puis le 28 juillet avec Condor Express. Si les deux accidents engendrent des dommages superficiels sur les navires de Condor Ferries, la coque du catamaran d’HD Ferries est percé et verra sa limite opérationnelle restreinte. Le 3 août 2007, Condor Ferries déclare alors à la presse qu’une « Soi disant compagnie « à bas coûts » ne devrait pas être autorisée à fournir des « services à basse sécurité » ». HD Ferries menacera de déposer plainte contre Condor Ferries pour ces propos.

Faute de rentabilité, HD Ferries n’opérera pas le service promis entre durant l’hiver 2007-2008. Après une nouvelle saison déficitaire, HD Ferries annonce le 3 septembre 2008 la fin de ses opérations, effective dès le 7 septembre 2008.

En parallèle de l’expérience HD Ferries, la Compagnie Corsaire lance son propre service de vedettes à grande vitesse vers Jersey. Le monocoque rapide Jacques Cartier débute ses rotations avec Jersey le 4 août 2007. Cependant, la crise économique et la concurrence du service de Condor Ferries ne permette pas à l’armateur d’atteindre la rentabilité. Après quatre saisons, la Compagnie Corsaire met un terme à ce service à l’automne 2010, se recentrant sur son activité côtière.

Condor Ferries entre les mains de Macquarie

Condor Ferries aux mains d’un fond de pension

Le 1er septembre 2008, le fonds de pension Macquarie European Infrastructure Fund II annonce l’acquisition du groupe Condor pour 390 millions d’euros. La nouvelle s’accompagne de craintes de suppression d’emplois, Condor Express n’étant utilisé à plein que les week-end. Mais la suspension des services de HD Ferries préservera pour un temps l’emploi des 900 personnes employées par Condor Ferries en haute saison.

Cependant, la compagnie commencera rapidement recruter davantage de personnel originaire d’Europe de l’Est pour remplacer ses personnels britanniques et français. En avril 2012, la presse révèle que ces personnels sont payés £2,35 de l’heure, générant la protestation des organisations syndicales.

L’acquisition de Condor Ferries par Macquarie permet néanmoins à la compagnie d’envisager le remplacement de Condor 10 par un navire plus récent. Malgré la baisse du trafic, la disparition de la concurrence rend la capacité de 70 voitures du garage de Condor 10 insuffisante. De plus, le navire connaît plusieurs incidents mécaniques au début de l’année 2009, imposant une exploitation à vitesse réduite jusqu’au 1er juillet.

Le 13 mai 2010, Condor Ferries introduit le Condor Rapide sur la ligne Weymouth – Îles Anglo-normandes, où il remplace Condor Express pendant un arrêt technique inopiné. Ce sister-ship des deux autres catamarans de Condor Ferries prend la place de Condor 10 sur les lignes Saint-Malo – Jersey – Guernesey à compter du 14 mai, ce dernier étant désarmé à Weymouth puis vendu.

Une série d’accidents opérationnels

Le tournant des années 2010 est marqué par plusieurs incidents opérationnels pour les navires de Condor Ferries. Le 10 décembre 2007, Commodore Goodwill heurte la digue protégeant la marina de Saint-Hélier dans de mauvaises conditions météorologiques. Lors du choc, l’une des hélices du navire est endommagée imposant un retrait de service. Le 13 décembre, Condor Ferries affrète à Brittany Ferries le roulier Coutances pour palier à l’absence du Commodore Goodwill durant les fêtes de Noël.

Le 16 juin 2010, un incendie se déclare au sein du garage de Commodore Clipper. Le ferry parvient à gagner le port de Portsmouth sans assistance, mais près de 20 heures seront nécessaires pour éteindre l’incendie et débarquer les passagers. Le sinistre endommage sérieusement les réseaux électriques du ferry.

Le 28 mars 2011 à 08:42 GMT+2, Condor Vitesse aborde un bateau de pêche, Les Marquises, dans les Minquiers. La collision provoque le naufrage du fileyeur et le décès du capitaine. Le rapport d’accident rend l’équipage de Condor Vitesse responsable de la collision, par l’absence d’utilisation de la corne de brume malgré la faible visibilité et une veille insuffisante des données radar par l’équipage.

Le 14 juillet 2014, Commodore Clipper racle le fond au large de Saint-Pierre-Port, nécessitant le retrait du navire en pleine saison estivale. Condor Ferries est contraint d’affréter les Arrow et MN Toucan pour assurer la continuité du transport de fret. Là encore, le rapport d’analyse de l’accident conclut à la responsabilité de l’équipage, par manque de vigilance.

Le recentrage de Condor Ferries sur son cœur de métier

En février 2012, des fissures importantes sont découvertes sur le quai du port de Weymouth, requérant près de 4 millions de livres de travaux de consolidation. En conséquence, l’ensemble des services à grande vitesse seront transférés vers le port de Poole jusqu’au 17 juillet 2013, entraînant une surconsommation de carburant estimée à 1 million de livres.

Le 4 octobre 2012, Condor Ferries annonce la fermeture de ses activités logistiques. Ces dernières étaient conduites sous la marque Condor Logistics depuis 2004. 190 emplois sont supprimé à la suite de cette activité, dont une partie est rachetée par la société Paul Davis Haulage.

En parallèle de cette nouvelle, Brittany Ferries annonce ne pas renouveler le sous-affrètement de Condor Vitesse pour l’été 2013. Cela entraîne la fin du service à grande vitesse proposé sur la ligne Cherbourg – Poole, une ligne largement déficitaire depuis 2004. Pour Condor Ferries, cette décision aggrave la sous-utilisation de sa flotte, dont l’entretien coûte près de 5 millions de livres par an..

Enfin, l’année 2012 se traduit par une baisse de 6% du trafic passagers transporté par Condor Ferries sur les lignes Angleterre – Île Anglo-normandes, après une décennie de croissance. Combiné à la perte du contrat de la ligne Cherbourg – Poole, cette nouvelle ouvre la voie à la réduction de la taille de la flotte de la compagnie.

Un monopole renouvelé

L’acquisition d’un nouveau trimaran par Condor Ferries

En 2012, les États de Jersey et Guernesey renouvellent la concession dont dispose Condor Ferries pour la desserte des îles Anglo-normandes depuis la Grande-Bretagne. Cependant, ces derniers se préoccupent de la robustesse offerte par les trois navires à grande-vitesse de la compagnie, tout en saluant la qualité de la modernisation opérée sur Commodore Clipper.

En conséquence, la compagnie – nouvellement dirigée par James Fulton – se met à la recherche d’un nouveau navire pour remplacer Condor Express et Condor Vitesse. Le 20 août 2014, Condor Ferries annonce son intention d’acquérir le trimaran Austal 102, dont la construction avait été financée par Macquarie. Ce prototype – seul un autre trimaran à grande vitesse est alors en navigation dans le monde – innove, promet une meilleure tenue à la mer aux passagers des îles Anglo-normandes et une capacité à naviguer dans des conditions de mer plus dégradées que ne le peuvent les catamarans.

En contrepartie de l’acquisition de ce nouveau navire, Condor Ferries négocie avec les états de Jersey et de Guernesey l’extension de sa concession jusqu’en mars 2025. Le contrat prévoit une remise en concurrence de la concession à compter de 2021, si le service offert ne donne pas satisfaction aux gouvernements. Au même moment, la compagnie négocie avec le port de Weymouth la réalisation de près de £10 millions de travaux pour rénover la rampe 1. Cependant, les autorités locales refusent d’engager cette somme, condamnant la ligne Weymouth – Île Anglo-normandes qui sera transférée vers Poole à l’arrivée du nouveau navire.

La mise en service ratée de Condor Liberation

Le nouveau trimaran de Condor Ferries arrive à Poole le 26 décembre 2014. La compagnie organise un concours pour baptiser le navire. À son issue, la compagnie annoncer baptiser son nouveau ferry Condor Liberation, rendant hommage au soixante-dixième anniversaire de la libération de Guernesey et de Jersey à l’issue de la seconde guerre mondiale.

Le désormais-nommé Condor Liberation visite pour la première fois Saint-Pierre-Port et Saint-Hélier les 16 et 17 mars 2015 ; et opère sa première traversée le 27 mars 2015. Cependant, Condor Liberation heurte le quai de Saint-Pierre-Port dès le lendemain, ouvrant la voie à une série de défaillances techniques qui ternit immédiatement la réputation du navire. De surcroît, les passagers critiquent son comportement à la mer, Condor Liberation étant sujet à des mouvements de roulis plus amples que ses prédécesseurs.

Acculé par l’opinion, Condor Ferries commande au cabinet Houlder un rapport pour confirmer l’adéquation de Condor Liberation aux conditions de mer des Îles Anglo-normandes. Son rapport, rendu en octobre 2015, confirme que Condor Liberation peut opérer en sécurité les services de la ligne Poole – Guernesey – Jersey. Cependant, les perturbations tout au long de l’année 2015 engendrent une baisse de 16% du trafic passagers vers les îles Anglo-normandes.

Le 16 mars 2016, les gardes-côtes suspendent durant quelques jours la licence opérationnelle de Condor Liberation. Combinée à de nouveaux incidents, cette suspension pousse les bailliage de Guernesey et de Jersey à demander d’affréter Normandie Express pour sécuriser le plan de transport de Pâques 2016. Cependant, des formalités administratives ne permettront pas à ce projet d’aboutir.

Un renouvellement d’identité

La mise en service de Condor Liberation s’accompagne du renouvellement de l’identité graphique de Condor Ferries. Dans la lignée de la décoration apposée sur Condor Vitesse pour célébrer les 25 ans de la liaison Weymouth – Îles Anglo-normandes, en 2012, la nouvelle livrée repose sur deux rubans peints sur l’avant des navires de la compagnie. Le nouveau logo est appliqué fin-2014 à Commodore Clipper et Commodore Goodwill. Condor Rapide est le dernier à le revêtir la nouvelle livrée, lors de son carénage du printemps 2016. Durant cette période, Condor Liberation opère ses premières traversées au départ de Saint-Malo.

Fin-2015, Commodore Clipper et Commodore Goodwill sont modernisés à Falmouth pour les doter d’épurateurs de fumée. Ces dispositifs visent à réduire les émissions de souffre des navires fonctionnant au fuel lourd, afin qu’ils soient en phase avec les normes européennes appliquées depuis le premier janvier 2015.

La conclusion de l’histoire entre Condor Ferries et les îles Anglo-normandes

70 ans au service des îles Anglo-normandes

Le 28 avril 2017, Condor Ferries célèbre les 20 ans de l’ouverture de la ligne Weymouth – Île Anglo-normandes par ses hydroptères. En 20 ans, la compagnie a transporté 14 millions de passagers et 2,7 millions de véhicules particuliers. De plus, en septembre, Condor Ferries célèbre le soixante-dixième anniversaire du premier service opéré par Commodore Cruises Ltd vers les îles Anglo-normandes.

Cependant, cet anniversaire est terni par les performances dégradées offertes par Condor Liberation au cours de ses premiers mois de service. Mais ce résultat s’inscrit dans le contexte d’une baisse continue du nombre de personnes voyageant vers les îles Anglo-normandes par la mer. Alors qu’en 1980, 890 000 passagers avaient voyagé depuis l’Angleterre, ils n’étaient plus que 254 000en 2017.

Alors que les services conventionnels offrent, malgré l’âge avancé de Commodore Clipper et de Commodore Goodwill, un service robuste, le service passager offert par Condor Liberation ternie l’image de Condor Ferries. C’est dans ce contexte que Macquarie parvient malgré à tout à revendre la compagnie à un consortium alliant Brittany Ferries et Columbia Threadneedle Investments, le 9 mars 2020.

La traversée du désert de la pandémie de Covid

À compter de mars 2020, la pandémie de Covid-19 interrompt temporairement les activités passagers de Condor Ferries, qui continue malgré tout d’opérer ses services de fret. Les difficultés s’étendent bien au-delà des périodes de confinement. Alors qu’en 2019, 600 départs sont assurés depuis Saint-Malo, seuls 120 seront proposés en 2021 et 2022. La compagnie enregistre de lourdes pertes, faisant douter de sa pérennité.

En avril 2023, les bailliages de Jersey et de Guernesey autorisent les ressortissants français à visiter leurs îles avec une simple carte d’identité pour les excusions à la journée. Ce dispositif, entré en vigueur pour cinq mois, sera prolongé par la suite jusqu’en septembre 2024, puis jusqu’en septembre 2025. Malgré cela, Condor Ferries annonce une perte de près de 1,5 million de livres sterling au cours de son service 2023-2024. Brittany Ferries est alors contraint de prêter à sa filiale près de 10 millions de livres sterling pour combler une dette de frais portuaires.

Les difficultés de Condor Ferries ne s’arrêtent pas à la baisse du trafic passagers liés à la pandémie de Covid-19. Le 8 décembre 2022, peu après son départ de Guernesey, Commodore Goodwill entre en collision avec le chalutier L’Ecume II, provoquant son naufrage. Le capitaine et les deux matelots sont portés disparus après la collision.

D’une confiance renouvelée à Guernesey…

En septembre 2023, les gouvernements de Jersey et Guernesey entament une procédure de consultation pour sélectionner l’opérateur détenteur de la concession de transport de fret et de marchandise à compter du 28 mars 2025 et pour une durée de 15 ans. Au début de la procédure, les deux gouvernements annoncent que le contrat serait attribué pour septembre 2024.

En plus de Condor Ferries ; Stena Line, Irish Ferries et DFDS font connaître leur intérêt pour l’obtention de cette licence, mais seul DFDS déposera une offre. En dépit des engagements, en octobre 2024, le résultat de l’appel d’offre n’est toujours pas connu. Brittany Ferries insiste alors sur l’urgence d’une décision, les traversées pour l’été 2025 ne pouvant pas être commercialisée tant que le contrat n’est pas attribué.

Finalement, le 30 octobre 2024, les États de Guernesey se désolidarisent du processus commun et annoncent renouveler Condor Ferries pour la concession de desserte de l’île pour les quinze années à venir. Le comité pour le développement économique de Guernesey réaffirme néanmoins sa préférence pour un service mutualisé entre les deux îles.

… à l’abandon de la desserte de Jersey

Alors que les États de Guernesey attribuent leur desserte maritime à Condor Ferries, les élus de Jersey dissimulent mal leur embarras. En effet, alors que le 22 octobre, l’un de ses fonctionnaires a dû se retirer de l’attribution de la condition après avoir partagé sur les réseaux sociaux sa préférence pour DFDS, la décision d’attribution prend du retard. Kirsten Morel, ministre de l’économie de Jersey, annonce ainsi que les deux offres ont été disqualifiées. Il propose alors à Condor Ferries de prolonger de sept mois son contrat pour assurer le service vers Jersey durant l’été 2025, alors qu’une nouvelle procédure était relancée. Condor Ferries refuse de signer ce contrat qui pourrait entraîner sa faillite, forçant le gouvernement de Jersey à relancer une procédure.

Alors que l’appel d’offre initial imposait une desserte minimale de sept traversées hebdomadaires par semaine en hiver, douze en été, entre les îles et la Grande-Bretagne, le nouvel appel d’offre impose à l’opérateur retenu de mettre à disposition de Jersey quatre navires dédiés.

Le 3 décembre 2024, Kirsten Morel annonce la sélection de DFDS comme nouvel opérateur pour les liaisons maritimes de Jersey. Le nouvel opérateur promet des relations plus fréquentes depuis Jersey et des tarifs de fret identiques pour l’ensemble des chargeurs ; alors que Condor Ferries pratiquait des tarifs différenciés en fonction du volume transporté.

Brittany Ferries conteste cette attribution mais est déboutée par la cour d’appel.

« Nous avions demandé en appel au tribunal de Jersey, le résultat de l’appel d’offres numéro 1 car nous savons que nous l’avons remporté. Nous n’avons pas été disqualifiés mais DFDS, oui. Au second tour, nous n’avions pas les moyens de gagner, quatre bateaux étaient exigés pour Jersey. Je ne suis pas l’armateur le plus riche. »

Jean-Marc Roué, Président du Conseil de surveillance, 31 janvier 2025

Une histoire au sein de Brittany Ferries

Un renouvellement de la flotte

En avril 2021, Condor Ferries officialise la vente de Condor Rapide à l’opérateur espagnol Trasmapi. Il est remplacé par un affrètement à Brittany Ferries de l’ex-Normandie Express pour service entre Saint-Malo et les îles Anglo-normandes. Le nouveau navire débute ses rotations commerciales en juin 2021.

Par la suite, en avril 2023, Condor Ferries annonce l’acquisition d’un navire RoPax similaire au Commodore Clipper. L’acquisition de ce nouveau navire lui permet de gagner en résilience lors des erreurs techniques programmés et impromptus du reste de sa flotte. Le nouveau navire est acquis par un consortium entre les États de Guernesey et Condor Ltd

D’un opérateur intégré à un simple armateur

En Novembre 2024, Christophe Mathieu, Président du Directoire de Brittany Ferries et Président-Directeur Général de Condor Ferries annonce que les services entre la France, Guernesey et la Grande-Bretagne seraient désormais opéré sous les couleurs de Brittany Ferries. Cette annonce marque la disparition de Condor Ferries après près de 60 ans de desserte des îles Anglo-normandes.

Cependant, la compagnie poursuit son existence en tant qu’opérateur, mais avec un personnel réduit et ajusté à l’exploitation de trois bateaux. Commodore Goodwill et Condor Liberation sont désarmés au Havre et mis en vente dès le terme du contrat. De plus, si Commodore Clipper reste à disposition de Guernesey en cas de défaillance d’Islander, il est désormais opéré sur les Le Havre – Portsmouth et Cherbourg – Rosslare.

En juin 2025, DFDS officialise l’acquisition de Commodore Goodwill pour assurer le service de fret vers Jersey. Le navire est renommé Caesarea Trader, rendant hommage au navire mis en service par les chemins de fer britanniques en 1960.

  • Condor Ferries. In Wikipedia. Wikimedia Foundation et ses contributeurs anglais, 2015. [consulté le 31 août 2015] Disponible sur en.wikipedia.org.
  • « Channel islands ferries: How did we get here? », BBC, 3 décembre 2024. Disponible sur bbc.com.
  • « Condor Ferries to increase freight charges », BBC, 4 décembre 2023. Disponible sur bbc.com.
  • Newsroom. Condor Ferries. Condor Ltd, 2015 [consulté le 31 août 2015]. Disponible sur www.condorferries.co.uk.
  • HD Ferries. HD Ferries, 2008 [consulté le 31 août 2015]. Disponible sur www.hdferries.fr.
  • Simplon Postcards. BOYLE, Ian, 2008 [consulté le 31 août 2015]. Disponible sur www.simplonpc.co.uk.

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